Jusqu’à l’âge de 7 ans un enfant au Brésil est laissé à la charge de sa municipalité. Bien souvent, dans les régions les plus pauvres, les municipalités n’ont pas les moyens (ou ne se donnent malheureusement pas toujours les moyens) d’ouvrir des écoles de pré-scolarisation. Nous ne pouvons pas laisser les enfants sans savoir lire et écrire, indépendamment des conditions de vie de chacun d’entre eux...

L’Association Santa Vitória a créé une école pré-infantil dans le grand village de Santa Vitória, dans l’Etat du Maranhão au Brésil, à quatre heures d’une route tortueuse de la première ville. Pendant les cinq mois de période des pluies, la route est impraticable et laisse difficilement passer quelconque moyens de transport. A Santa Vitória il n’y a pas de médecin.

Les enfants apprennent en priorité à lire et à écrire. Le respect de l’autre, l’éveil moteur ou encore l’hygiène sont des éléments tout autant appliqués dans l’école. Notre travail est aussi de renforcer le lien social à travers la santé. Les enfants sont pris en charge en cas d’urgence et les familles sont suivies pour des conseils santé ou en ce qui concerne les différentes formes de prévention.

18.2.09

Dona Raimunda et le "Toque de Deus"


Dona Raimunda est née à Santa Vitória il y a plus de 70 ans.
A l’époque Santa Vitória s’appelait «Desordem», «Le désorde» !
Ce nom, non officiel (d’ailleurs le village n’avait rien d’officiel), avait été donné de fil en aiguille par une population révoltée par les fréquentes disputes meutrières au sein de la comunauté. Certains disent qu’à cette époque on pendait les morts dans les rues de Santa Vitória..
C’était aussi le temps où les gens buvaient l’eau du fleuve, où la Malaria -ou Paludisme- sévissait fortement ; un temps aussi où il n’y avait pas une seule byciclette dans tout le village!

Dona Raimunda me raconte ses touchants souvenirs, un peu comme on farfouille, le coeur serré, dans le vieux grenier de ses grands-parents..mais avec, tout de même, un certain détachement :
- «C’était une période très ‘rude’, si aujourd’hui déjà les choses ne sont pas simples, tu peux imaginer il y a 60 ans ! Pour rejoindre Barra do Corda, la ville la plus proche à 80 kilomètres, nous prenions un bâteau qui passait une fois par semaine très tôt le dimanche matin, et nous arrivions très tard dans la nuit. Puis, quand les premières voitures sont apparues, nous devions faire 25 kilomètres à pied ou a cheval, pour retrouver la voiture qui nous laissait à Barra do Corda après 5 heures de route, quand tout allait bien, c’est à dire jamais!».

La première voiture est arrivée à Santa Vitória en 1955, et Dona Raimunda se souvient de la fête que cela a été au village! :
« ..Imagine,..une voiture..On avait l’impression d’être enfin relié à un peu de vie ».

C’était aussi l’époque où il était impossible d’aller à l’hôpital pour accoucher. Depuis que je connais le village de Santa Vitória, j’ai toujours entendu parler d’une sage-femme de réputation, répondant au nom de Dona Raimunda, qui est connue de tous et qui serait encore aujourd’hui, en activité. Je souhaitais la rencontrer.

Tout à commencé une nuit, en 1965..
Une jeune femme de Santa Vitória était sur le point d’accoucher.
La sage-femme confrmée du village était atteinte de Malaria. Elle ne pouvait pas se lever de son lit.

- «Il fallait y aller. J’ai pensé que la maman, comme le bébé, allaient mourir et je n’ai pas eu peur, j’ai fais naître une jolie petite fille. J’ai toujours été une folle-courageuse !», raconte Dona Raimunda en replongeant dans ses souvenirs.

Celle-ci n’avait ni l’enseignement ni l’expérience. Juste un talent, comme elle dit : «Um toque de Deus» soit « Le toucher de Dieu » :

- Les gens, par la suite, ne faisaient qu’appel à moi. Ils avaient terriblement confiance. Ça n’a plus arrêté. A l’époque, il m’arrivait de faire régulièrement deux accouchements par nuit ! Je n’ai jamais pu refuser.

- Savez-vous combien d’enfants avez-vous fait naître ?

- J’ai compté jusqu’à 500 accouchements réalisés, ensuite j’ai perdu le compte. Quand ai-je arrêté de compter ? ..Oh là là, il y a plus de 20 ans !

Dona Raimunda a fait ses naîtres ses 8 petits-enfants.

Elle garde bien évidemment des souvenirs amers d’accouchements dramatiques et de nouveaux-nés qui sont décédés, mais ce fut, heureusement, chose rare.

Elle a toujours refusé de se faire payer. Parfois, les personnes les moins démunies, lui donnent en échange des aliments recueillis dans leur ‘roça’, leur champs, comme du riz, des haricots, des courges ou des fruits.

Comment agissait-elle à l’époque ?

- Avec mes mains nues et un linge !
Puis, bien plus tard, j’allais acheter, quand je le pouvais, des gants à la pharmarcie de Barra do Corda.
C’est étrange, mais à l’époque tout était plus sain. Il semble qu’il existait moins de maladies ; je ne sais pas si cela est dû, entre autres choses, aux venins que l’on utilise aujourd’hui dans les plantations..

- Etes-vous encore en activité aujourd’hui, Dona Raimunda ?

- Beaucoup moins. De nos jours, même si nous n’avons toujours pas de route digne de ce nom, pas de médecin ; même si tout est encore très compliqué ici, les femmes rejoignent la ville pour accoucher. Il y a quelques voitures et des motos à Santa Vitória.

Dona Raimunda ne dira pas qu’il y a 6 mois, une femme de Santa Vitória, maman de trois enfants de notre école, a accouché, pour la deuxième fois de suite, sans l’aide de personne. Seule.
Elle n’a pas eu le temps d’appeller une voisine et a fait naître sa fille avec courage, patience, ses mains nues, un linge..et un couteau pour couper le cordon ombilical.

- Dona Raimunda, vous gardez de beaux souvenirs de ces aventures ?

- Oui, c’est une chance que Dieu m’a donné ! Je suis si heureuse. Tellement de gens, des parents aux bébés devenus grands, viennent aujourd’hui encore m’embrasser pour me remercier,..même si, moi, je ne me souviens pas de tous !..

(Dans la dernière photografie, Dona Raimunda avec quelques uns de ses petits-enfants ; vous reconnaîtrez notre instituteur à l'Escolinha, Gustavo!)










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