Jusqu’à l’âge de 7 ans un enfant au Brésil est laissé à la charge de sa municipalité. Bien souvent, dans les régions les plus pauvres, les municipalités n’ont pas les moyens (ou ne se donnent malheureusement pas toujours les moyens) d’ouvrir des écoles de pré-scolarisation. Nous ne pouvons pas laisser les enfants sans savoir lire et écrire, indépendamment des conditions de vie de chacun d’entre eux...

L’Association Santa Vitória a créé une école pré-infantil dans le grand village de Santa Vitória, dans l’Etat du Maranhão au Brésil, à quatre heures d’une route tortueuse de la première ville. Pendant les cinq mois de période des pluies, la route est impraticable et laisse difficilement passer quelconque moyens de transport. A Santa Vitória il n’y a pas de médecin.

Les enfants apprennent en priorité à lire et à écrire. Le respect de l’autre, l’éveil moteur ou encore l’hygiène sont des éléments tout autant appliqués dans l’école. Notre travail est aussi de renforcer le lien social à travers la santé. Les enfants sont pris en charge en cas d’urgence et les familles sont suivies pour des conseils santé ou en ce qui concerne les différentes formes de prévention.

12.11.08

Gustavo, un très jeune instituteur papa


Qui sont les instituteurs de l'école “Robin Hood” ? Qui prépare la ‘merenda’ (le gros goûter) pour les 55 enfants ? Qui nous aide et comment ?
Pour répondre à ces questions et à tant d'autres que nous entendons souvent, nous avons décidé de vous présenter une série de portraits de l’équipe.
À travers leurs mots, nous pourrons même, j’espère, mieux comprendre comment se passe la vie dans la région de Santa Vitória.

Aujourd’hui, faites la connaissance de Gustavo, un jeune homme de 19 ans, instituteur depuis la dernière rentrée scolaire en mars. Gustavo est marié à une jeune fille de 16 ans et ils ont une fille , une petite Emily, née le 25 janvier 2008.
Gustavo est très mûr pour son jeune âge, il est intelligent et créatif ; il est tout simplement devenu, en quelques mois, indispensable à notre projet.
Responsable aussi, Gustavo ?


Cédric : Gustavo, pourquoi se marier si jeune et ne pas profiter un peu plus de ta jeunesse?

Gustavo : Ma copine est tombée enceinte. J’ai été complètement irresponsable, c’est une erreur. Je ne voulais pas en commettre une autre en abandonnant ma copine et mon futur bébé. Aujourd’hui nous avons une petite fille qui s’appelle Emily Vitória !

Cédric : Je crois savoir que tu as toujours eu l’esprit de famille. Comment s’est déroulée ton enfance ?

Gustavo : J’ai quatre soeurs..On a toujours vécu dans cette maison avec mes parents et mes grands-parents. Dans ce beau jardin, j’ai d’inoubliables souvenirs de bonheur.
A l’âge de deux ans, j’ai fais une chute qui m’a causé une maladie rénale. Ça m’a perturbé durant mon enfance, je faisais em alternance 3 mois de cours, puis deux mois d’examens médicaux à 500 kilomètres de Santa Vitória. J’avais la rage d’apprendre et de réussir comme les autres et je me faisais envoyer les cours par courrier !

Cédric : Tu es aussi le parfait exemple de ces jeunes qui vont brillamment au bout de leur études à Santa Vitória, mais qui n’ont pas les moyens de continuer en allant étudier en ville. Quels sont tes rêves ?

Gustavo : J’adorerais étudier la physique. J’ai lu des livres qui m’ont transmis cette passion ! Il faudrait pour cela que j’aille étudier à São Luis, notre capitale régionale. Nous avons pour cela deux faux choix :
- D’abord à travers le système public. C’est impossible. Il faudrait réussir des concours très difficiles, et d’autres jeunes sont bien plus formés que moi. Ensuite, il faut le dire, ces concours sont très souvent truqués, je crois que tu as déjà entendu parler de corruption ici au Brésil ?.. ! (il sourit)
- Ensuite, nous avons le système privé. Il faut compter un minimum de 300 reais par mois. Avec les frais de la ville, c’est tout aussi inimaginable.
En revanche, depuis deux mois, une université envoie, un week-end par mois, des professeurs à Santa Vitória. Un diplôme reconnu par l’État sera délivré au bout de trois ans de cours. C’est moins cher et grâce à mon salaire d’instituteur perçu dans notre école, je vais suivre les leçons. C’est un diplôme en pédagogie. Ce n’est pas de la physique, mais il faut s’adapter !

Cédric : Tu es le seul de l’équipe à avoir connu padre Ambrogio (notre prédécesseur, et à qui notre école est dédiée) en tant qu’élève de son école !

Gustavo : Oui, c’est vrai !..J’ai de beaux souvenirs. Une personne très autoritaire, très exigente, mais un grand homme, qui aimait les enfants et qui se souciait d’eux.

Cédric : Tu viens d’avoir 19 ans, tu es instituteur..et le seul garçon dans l’équipe au quotidien, comme à la maison avec tes soeurs !!

Gustavo : Au départ, j’ai accepté le poste d’instituteur car je n’ai jamais supporté que des gamins qui sont en cm1 ou en cm2, ne sachent ni lire ni écrire. Ça me révolte. Je me suis dis : « A moi de jouer ! ». C’est une énorme responsabilité de s’occuper d’enfants si jeunes. C’est compliqué.
Au début, j’étais très préoccupé et j’avais des doutes sur mes qualités. Aujourd’hui, j’aime tellement ce travail et les enfants, que quand vient le vendredi, je suis triste et j’attends le lundi avec impatience.
En ce qui concerne notre équipe composée de femmes, c’est vrai que je me sens largué au niveau des discussions !..Mais ce n’est pas plus mal, car du coup je joue et je discute avec les enfants !
Les enfants sont tellement francs, directs et honnêtes que c’est parfois déstabilisant, mais ce n’est que du bonheur.

Cédric : Quelles sont les difficultés que l’on rencontre à Santa Vitória ?

Gustavo : L’information. C’est la base. Et ici il n’y en a pas.
Un exemple : on regarde la télévision et dans chaque émission, on entend : « ..si vous voulez en savoir davantage, tapez www.etc » ..Nous, nous n’en saurons jamais davantage ! Nous n’avons pas d’internet.
Moi je veux toujours en savoir plus !
Bien sûr, une autre difficulté immense est la santé : pour trouver un ‘posto de saude’ plus ou moins décent, il faut faire au minimum 15 km. d’une route mauvaise.
Nous avons un ‘posto de saude’ au village. Si je m’ouvre un bras, je peux aller à ce dispensaire et j’y trouverai une personne pouvant appliquer les premiers soins, mais malheureusement il n’y a pas de matériel, donc cela ne sert à rien.

Cédric : Comment te définirais-tu ?

Gustavo : Je crois être quelqu’un de bien élevé. J’aime aider les autres. Ça me fait vraiment plaisir d’avoir l’impression d’essayer, à ma façon, d’aider au développement de mon village.
Je suis batailleur. Quand j’étais petit, je ne pensais pas arriver à l’âge de 19 ans ! Les médecins n’ont jamais été très optimistes au sujet de ma santé.

Cédric : Je demande toujours à notre ‘sympathique équipe’ un mot de la fin, une conclusion..

Gustavo : Mes remerciements à tous ceux qui nous aident dans l’éducation de nos enfants. Je sais qu’ils font de grands sacrifices. Ensemble, on fera tout pour atteindre l’Objectif d’une meilleure éducation possible. Cela en vaut la peine.
Ma devise est : « O conhecimento é a força » ou « Le savoir est la force ».
Je veux profiter aussi de cet espace pour inciter tous les gens qui n’ont pas encore fait le pas de nous aider, à faire le geste qui peut tout changer.
Pas seulement à Santa Vitória, mais dans le monde entier, il faut aider tous les enfants.










Jolie nouveauté à l’école Robin Hood!


Nous offrons tous les jours et ce depuis les prémices de l’école, un gros goûter salé ou sucré, pour nos enfants, servi entre 9h30 et 10h.
Ce repas comble, malheureusement, le manque du petit déjeuner que beaucoup d’enfants ne prennent pas le matin avant d’aller à l’école. Parfois aussi, encore malheureusement, ce petit repas aide au déjeuner du midi.

Nous avons décidé d’organiser et de préparer, en guise de test, un goûter ‘spécial’.
C’est assez difficle à expliquer, mais les enfants sont tellement habitués à manger du riz, que toute nouveauté est parfois rejetée lors du goûter.

Ce ‘goûter spécial’ peut être un plat tipique. Traditionnel ou novateur, brésilien ou étranger. L’important est que :

- L’enfant expérimente des saveurs,
- Qu’on lui fasse un historique du plat,
- Qu’on lui parle des ingrédients qui composent la recette,
- Qu’on lui raconte des annecdotes qui vont avec ce plat, en le faisant participer.

Cela, en adaptant le discours à l’âge de l’enfant.

Premier essai très concluant avec la Feijoada. Nous ne pouvions pas commencer par autre chose. Le symbole de l’art culinéraire brésilien !

Chaque instituteur a donc raconté l’histoire de la feijoada à ses élèves et expliqué, avec passion, de quoi elle se compose.
La salive montant à la bouche de chacun (la connaissance favorisant l’ouverture et l’envie de goûter..), le succès fut de taille!

Certains instituteurs avaient choisi comme mode de communication, des marionettes. Le riz, représenté par une marionette blanche, et le haricot, représenté par une marionette marron ! (voir photos).

Ce ‘test’ fut une réussite ! Dès la prochaine rentrée scolaire au mois de mars, nous nous efforcerons de reproduire ce schéma au moins une fois tous les deux mois.


Ingrédients de la Feijoada:

Saucisses de deux familles différentes, de la viande séchée, de la viande de porc salée, des pieds de cochon, des queues de cochon, du bacon, des fayots-haricots noirs, feuilles de choux rouge, ciboulette, coriandre, piments rouges, oignons, tomates, ail, farine de manioque crue..

On pense souvent que la feijoada est liée uniquement à la tradition brésilo-brésilienne et du continent américain. En fait, les portugais, colonisateurs du Brésil, laissaient aux esclaves les parties les moins nobles du cochon, comme les oreilles, la queue ou les pieds. Les esclaves qui se nourissaient de haricots et de maïs, rajoutaient ainsi de la viande à leur repas.
Les navires, remplis d’esclaves africains, gorgeaient d’épices traditionelles ainsi que de farine de manioque.
Les haricots quant à eux, provenaient de la tradition Indios.
Le plat était né..Des d’ingrédients communs du quotidien mélangés avec les morceaux négligés du porc, et les esclaves, en le cuisinant avec des haricots, de l’eau, du sel et du piment, inventèrent la feijoada.

Aujourd’hui, la Feijoada, est accompagnée de feuilles de choux, d’ail, de riz blanc, de farine de manioque à la sauce pimentée..et, uniquement pour les adultes, de caïpirinha (alcool à base de Cachaça, extrait de la canne à sucre) !

La Feijoada est ainsi le parfait résultat de trois cultures : indios d’Amérique du Sud, d’Afrique et d’Europe, qui forment par ailleurs la culture de base du Brésil.

Petite anecdote : les seigneurs colonisateurs, ont assez vite remarqué que les esclaves, en mangeant ce plat, devenaient plus forts et étaient en meilleur santé. Ils en déduirent que c’était grâce aux haricot noirs, riches en fer, et, très vite, ils intégrèrent la Feijoada dans le menu des seigneurs, et de tout le Brésil!

Petites phrases :

“La feijoada est une idée européenne élaborée au Brésil. Avec la technique portuguaise et des ingrédients indigènes (natifs), le résultat est un étrange et néanmoins démocratique croisement anarchique de préparation, en mélangeant des aliments dans une même casserole»
(Jorge Gomes)

«La feijoada est un état d’esprit. Il faut être joyeux et aimer la vie pour ressentir la véritable saveur du plat»
(Paulo Affonso Paulillo)


Aujourd’hui, la feijoada n’est plus le plat le plus consommé au Brésil.
Ceci est dû en grande partie à la frénésie de la vie. C’est une recette qui demande beaucoup de travail, qu’il faut préparer bien en amont.
C’est aussi un met qu’il faut déguster en prenant son temps (lorsqu’il est préparé avec attention).
La feijoada est considérée comme calorique..
Malgré cela, elle reste un des symboles forts du Brésil et du Nordeste.



Une nouvelle équipière


Une nouvelle équipière, Francisca, nous a rejoint!

Neiva, notre chef cuisine et responsable de la propreté de notre grande école est enceinte! Le joyeux évènement est prévu pour fin décembre/courant janvier. Neiva n’a toujours pas fait d’échographie. C’est très compliqué ici.

Aujourd’hui, Neiva et Francisca travaillent en binôme afin de préparer cette dernière au travail et aux tâches du quotidien. A partir du 23 novembre, Francisca prendra les commandes, seule.
C’est aussi une belle opportunité pour elle, car il se pourrait fort bien que nous revenions à diviser le travail lors de la prochaine rentrée scolaire en mars. Elles pourraient se retrouver toutes les deux.

Francisca, qui a trois enfants, est aussi une nouvelle habitante de Santa Vitória. Elle arrive d’un village bien plus petit que Santa Vitória, qui s’appelle Lagoa vermelha. Un village sans électricité, sans route accessible, sans fleuve, ...sans école.

Bienvenue Francisca ! A toi de jouer.

(Photo : Marinete, en haut à gauche, notre coordinatrice pédagogique, reçoit Francisca)