Jusqu’à l’âge de 7 ans un enfant au Brésil est laissé à la charge de sa municipalité. Bien souvent, dans les régions les plus pauvres, les municipalités n’ont pas les moyens (ou ne se donnent malheureusement pas toujours les moyens) d’ouvrir des écoles de pré-scolarisation. Nous ne pouvons pas laisser les enfants sans savoir lire et écrire, indépendamment des conditions de vie de chacun d’entre eux...

L’Association Santa Vitória a créé une école pré-infantil dans le grand village de Santa Vitória, dans l’Etat du Maranhão au Brésil, à quatre heures d’une route tortueuse de la première ville. Pendant les cinq mois de période des pluies, la route est impraticable et laisse difficilement passer quelconque moyens de transport. A Santa Vitória il n’y a pas de médecin.

Les enfants apprennent en priorité à lire et à écrire. Le respect de l’autre, l’éveil moteur ou encore l’hygiène sont des éléments tout autant appliqués dans l’école. Notre travail est aussi de renforcer le lien social à travers la santé. Les enfants sont pris en charge en cas d’urgence et les familles sont suivies pour des conseils santé ou en ce qui concerne les différentes formes de prévention.

24.2.09

"Puisque nous sommes nés", le documentaire.

"Puisque nous sommes nés", de Jean-Pierre Duret et Andréa Santana,

Synopsis :
Brésil. Nordeste. Une immense station-service au milieu d'une terre brulée, traversée par une route sans fin.
Cocada et Nego ont 13 et 14 ans. Cocada a une rêve, devenir chauffeur routier. Il dort dans une cabine de camion et, la journée, il rend service et fait des petits boulots. Son père est mort assassiné alors il s'est trouvé un père de substitution, Mineiro. Un routier qui prend le temps de lui parler et de le soutenir quand la tentation de l'argent mal acquis se fait trop forte.
Nego, lui, vit dans une favela, entouré d'une innombrable fratrie. Après le travail des champs, sa mère voudrait qu'il aille à l'école pour qu'il ait une éducation mais Nego veut se sortir de là, gagner de l'argent. Le soir, il rôde à la station, fasciné par les vitrines allumées, les commerces qui vendent de tout, la nourriture abondante.
Avec son copain Cocada, ils regardent le mouvement incessant des camions et des voyageurs. Tout leur parle une langue dont ils n’en savent rien.
Avec cette singulière maturité qu'on acquiert trop tôt dans l'adversité, ils s'interrogent sur leur identité et leur avenir.
Leur seule perspective : une route vers São Paulo, vers un ailleurs.


Critique:
Nous sommes allées voir ce film qui passait dans moins de dix salles à Paris et une seule salle à Lyon… Il fallait donc mériter de le voir !
Si Jamel n’avait pas produit ni promu ce film, on serait sûrement passé à côté, malheureusement !
Nous avons été beaucoup touchées et interpellées, par nos liens avec Santa Vitória, mais pas seulement ! Ce documentaire est avant tout de qualité !
Sans que l’histoire soit époustouflante et qu’il y ait des péripéties à chaque plan, on est tout de suite attaché à ces enfants.
Nous avons été marquées par les sonorités de ce film : très peu de musiques, mais une retranscription des sons du quotidien plus que réelle.
Ces deux enfants, brésiliens du Nordeste sont au fond des enfants comme les autres, avec leurs interrogations, leurs rêves, leurs jeux, etc… En revanche, ils n’ont pas autour d’eux les moyens de les réaliser ni les facilités que nous pouvons rencontrer chez nous…
On pourrait ainsi vous dire que nous avons voyagé dans le Nordeste, confortablement installées dans nos fauteuils, mais rien ne vaut un vrai séjour sur place…
A vous d’aller le voir et de nous faire partager vos impressions !

Lucie et Marion Inbona

18.2.09

Une 'jolie’ équipe...


Santa Vitória n’est pas réputée pour la qualité de ses loisirs..

En revanche, comme toute réputation justifée, les brésiliens sont aussi de grands joueurs de foot et leur apprentissage se fait très souvent dans la rue, dans les cours abandonnées, dans les terrains vagues, dans les champs mal irrigués, bref, dans chaque mètre carré d’un espace de terre.
Où une vieille canette de soda, une balle de tennis déjaunie où une vraie balle un peu trop dégonflée se transforme en un ballon génial, celui que Ronaldinho claquera aux fonds des buts en finale d’une coupe du monde de l’imaginaire..

Aujourd’hui, au village de Santa Vitória, ce ne sont plus seulement les garçons qui jouent au football.
Une jolie troupe d’environ 16 jeunes filles, s’est passionée par le “Futsal” et par toutes les émotions que peut procurer ce sport d’équipe.
Le Futsal est un football avec un terrain plus étroit et moins de joueurs.

Un petit terrain en ciment, de très mauvaise qualité, a été construit il y a à peu près un an. Et les jeunes filles, dont certaines jouaient déjà sur les chemins de terre depuis la petite enfance, ont commencé à se réunir et taper dans un ballon de volley assez décousu.

Par le plus grand des hasards, une fin d’après-midi, je me suis retrouvé à observer ces footballeuses qui ont, en moyenne, entre 14 et 17 ans. J’ai vu grandir la plupart d’entre elles, mais..quelle surprise !..d’être émerveillé devant tant d’abnégation, de joie de jouer, cette naturelle beauté du sport lorsqu’il est pratiqué avec simplicité et une énergie débordante.
Et que de talents en herbe ! De la technique alliée au courage, de la vitesse et beaucoup de souffle.

Nous avons décidé de mettre en place une collaboration et organiser nos accords...
Je leur ai acheté un jeu de maillots de foot et un ballon. Je leur ai aussi proposé mes modestes services d’entraineur-manager lors de mes présences au village. En échange, elles devront porter le ‘sponsor’ : «Ecole Robin Hood» sur leurs maillots et respecter quelques règles basiques d’éducation et de respect.

Les filles m’ont promis qu’en cas de victoire dans un tournoi (un jour..), le très modeste pactole recueilli (qui tourne toujours entre 10 et 50 euros pour toute l’équipe) servirait à me rembourser les maillots. ..Nous avons cependant convenu que ce pécule irait directement au fonctionnement de notre belle école.
En attendant, nous avons beaucoup de travail..

Ce jour-là, deux équipes ont débarqué à Santa Vitória pour un mini-championnat.

Santa Vitória a gagné, sans sourciller, contre le village de ‘Palmerão’ par un score plutôt flatteur de 8 à 2.

En finale, Santa Vitória affrontait la ville de São Roberto, une des deux équipes les plus fortes de la région avec Barra do Corda. Une équipe de ‘riches’, en chaussures et protège-tibias pour la plupart!!
Nos filles ont été héroïques et après avoir mené 4 à 2, elles ont finalement perdu dans les prolongations 6-4.

Quelques larmes plus tard, l’horizon s’éclaircissait avec de nouveaux objectifs fixés.

L’engouement créé au village, est aussi quelque chose de très positif.
Pour ces gamines, le football, est plus qu’un loisir. C’est aussi un moyen d’exister, d’assouvir leur besoin de reconnaissance.
C’est autrement plus important qu’un coup de pied dans un ballon.

Nous vous tiendrons au courant des résultats de notre petite équipe féminine..

Bora Santa Vitória !

(Photos: Juliana, Claudeane et Nagila le gardien de but!.. Dernière photo en bas, l'équipe de São Roberto qui a remporté le tournoi)


Dona Raimunda et le "Toque de Deus"


Dona Raimunda est née à Santa Vitória il y a plus de 70 ans.
A l’époque Santa Vitória s’appelait «Desordem», «Le désorde» !
Ce nom, non officiel (d’ailleurs le village n’avait rien d’officiel), avait été donné de fil en aiguille par une population révoltée par les fréquentes disputes meutrières au sein de la comunauté. Certains disent qu’à cette époque on pendait les morts dans les rues de Santa Vitória..
C’était aussi le temps où les gens buvaient l’eau du fleuve, où la Malaria -ou Paludisme- sévissait fortement ; un temps aussi où il n’y avait pas une seule byciclette dans tout le village!

Dona Raimunda me raconte ses touchants souvenirs, un peu comme on farfouille, le coeur serré, dans le vieux grenier de ses grands-parents..mais avec, tout de même, un certain détachement :
- «C’était une période très ‘rude’, si aujourd’hui déjà les choses ne sont pas simples, tu peux imaginer il y a 60 ans ! Pour rejoindre Barra do Corda, la ville la plus proche à 80 kilomètres, nous prenions un bâteau qui passait une fois par semaine très tôt le dimanche matin, et nous arrivions très tard dans la nuit. Puis, quand les premières voitures sont apparues, nous devions faire 25 kilomètres à pied ou a cheval, pour retrouver la voiture qui nous laissait à Barra do Corda après 5 heures de route, quand tout allait bien, c’est à dire jamais!».

La première voiture est arrivée à Santa Vitória en 1955, et Dona Raimunda se souvient de la fête que cela a été au village! :
« ..Imagine,..une voiture..On avait l’impression d’être enfin relié à un peu de vie ».

C’était aussi l’époque où il était impossible d’aller à l’hôpital pour accoucher. Depuis que je connais le village de Santa Vitória, j’ai toujours entendu parler d’une sage-femme de réputation, répondant au nom de Dona Raimunda, qui est connue de tous et qui serait encore aujourd’hui, en activité. Je souhaitais la rencontrer.

Tout à commencé une nuit, en 1965..
Une jeune femme de Santa Vitória était sur le point d’accoucher.
La sage-femme confrmée du village était atteinte de Malaria. Elle ne pouvait pas se lever de son lit.

- «Il fallait y aller. J’ai pensé que la maman, comme le bébé, allaient mourir et je n’ai pas eu peur, j’ai fais naître une jolie petite fille. J’ai toujours été une folle-courageuse !», raconte Dona Raimunda en replongeant dans ses souvenirs.

Celle-ci n’avait ni l’enseignement ni l’expérience. Juste un talent, comme elle dit : «Um toque de Deus» soit « Le toucher de Dieu » :

- Les gens, par la suite, ne faisaient qu’appel à moi. Ils avaient terriblement confiance. Ça n’a plus arrêté. A l’époque, il m’arrivait de faire régulièrement deux accouchements par nuit ! Je n’ai jamais pu refuser.

- Savez-vous combien d’enfants avez-vous fait naître ?

- J’ai compté jusqu’à 500 accouchements réalisés, ensuite j’ai perdu le compte. Quand ai-je arrêté de compter ? ..Oh là là, il y a plus de 20 ans !

Dona Raimunda a fait ses naîtres ses 8 petits-enfants.

Elle garde bien évidemment des souvenirs amers d’accouchements dramatiques et de nouveaux-nés qui sont décédés, mais ce fut, heureusement, chose rare.

Elle a toujours refusé de se faire payer. Parfois, les personnes les moins démunies, lui donnent en échange des aliments recueillis dans leur ‘roça’, leur champs, comme du riz, des haricots, des courges ou des fruits.

Comment agissait-elle à l’époque ?

- Avec mes mains nues et un linge !
Puis, bien plus tard, j’allais acheter, quand je le pouvais, des gants à la pharmarcie de Barra do Corda.
C’est étrange, mais à l’époque tout était plus sain. Il semble qu’il existait moins de maladies ; je ne sais pas si cela est dû, entre autres choses, aux venins que l’on utilise aujourd’hui dans les plantations..

- Etes-vous encore en activité aujourd’hui, Dona Raimunda ?

- Beaucoup moins. De nos jours, même si nous n’avons toujours pas de route digne de ce nom, pas de médecin ; même si tout est encore très compliqué ici, les femmes rejoignent la ville pour accoucher. Il y a quelques voitures et des motos à Santa Vitória.

Dona Raimunda ne dira pas qu’il y a 6 mois, une femme de Santa Vitória, maman de trois enfants de notre école, a accouché, pour la deuxième fois de suite, sans l’aide de personne. Seule.
Elle n’a pas eu le temps d’appeller une voisine et a fait naître sa fille avec courage, patience, ses mains nues, un linge..et un couteau pour couper le cordon ombilical.

- Dona Raimunda, vous gardez de beaux souvenirs de ces aventures ?

- Oui, c’est une chance que Dieu m’a donné ! Je suis si heureuse. Tellement de gens, des parents aux bébés devenus grands, viennent aujourd’hui encore m’embrasser pour me remercier,..même si, moi, je ne me souviens pas de tous !..

(Dans la dernière photografie, Dona Raimunda avec quelques uns de ses petits-enfants ; vous reconnaîtrez notre instituteur à l'Escolinha, Gustavo!)