Jusqu’à l’âge de 7 ans un enfant au Brésil est laissé à la charge de sa municipalité. Bien souvent, dans les régions les plus pauvres, les municipalités n’ont pas les moyens (ou ne se donnent malheureusement pas toujours les moyens) d’ouvrir des écoles de pré-scolarisation. Nous ne pouvons pas laisser les enfants sans savoir lire et écrire, indépendamment des conditions de vie de chacun d’entre eux...

L’Association Santa Vitória a créé une école pré-infantil dans le grand village de Santa Vitória, dans l’Etat du Maranhão au Brésil, à quatre heures d’une route tortueuse de la première ville. Pendant les cinq mois de période des pluies, la route est impraticable et laisse difficilement passer quelconque moyens de transport. A Santa Vitória il n’y a pas de médecin.

Les enfants apprennent en priorité à lire et à écrire. Le respect de l’autre, l’éveil moteur ou encore l’hygiène sont des éléments tout autant appliqués dans l’école. Notre travail est aussi de renforcer le lien social à travers la santé. Les enfants sont pris en charge en cas d’urgence et les familles sont suivies pour des conseils santé ou en ce qui concerne les différentes formes de prévention.

30.4.09

Situation grave : État d'alerte civile dans le Maranhaõ

84.000, le nombre de personnes sinistrées qui, au 30 avril, se retrouvent sans maison, ici, dans l’État du Maranhão.
5 personnes ont trouvé la mort.

La saison des pluies bat tous les records cette année, les fleuves suffoquent et débordent ; 32 villes se retrouvent dans une situation d’urgence.
L’État d’alerte civile a été décrété dans le Maranhão. Le Gouverneur, Roseana sarney, s’est rendu dans les villes les plus affectées par les pluies.

Cette dernière nuit, Barra do Corda vient tout juste d’être atteinte aussi ; deux maisons se sont écroulées sous le poids des eaux et des écoulements de boue.

Les principales routes du Maranhão sont touchées. Sept d’entre elles sont coupées, inondées, ou ont complètement disparues par tronçons, sous les eaux qui recouvrent, aujourd’hui, d’énormes cratères.
Le département de la défense civile recommande aux personnes de ne pas voyager, des routes menaces encore de s’effondrer.
Les entreprises de Bus (moyen le plus courant de voyager au Brésil) ont suspendus leurs voyages.
L’unique route qui relie Barra do Corda à la Capitale, São Luis, est bloquée. Dans la photo ci dessous, vous pouvez apercevoir l’énorme trou qui s’est formé suite à l’écroulement de la route. Certains aventuriers traversent la route à bord d’un canoë.

Santa Vitória est, pour l’instant, épargnée, même si le niveau de son fleuve est dangereusement élevé.

Il devient difficile pour les secours d’intervenir et de prêter assistance à tous, la pluie continuant de tomber fortement. Malgré cela, le Brésil se solidarise et prête secours.
L’armée a déjà envoyé par avions 80 tonnes de nourriture en direction des villes touchées. 115 autres tonnes sont déjà en chemin.
Il est déjà prévu plus de 120 millions d’euros pour secourir et aider les démunis.
« Le député fédéral Sarney Filho a déclaré, ce matin (jeudi 30 avril), que les R$ 300 millions de Reais, mis à la disposition par le Ministère de l'Intégration pour la récupération des villes atteintes par les pluies, est très peu devant les problèmes affrontés par la population ».

Je vous tiendrai personnellement au courant de l’évolution de la situation ; il va s’en dire que, pour l’instant, le Blog reste sur cette information, jusqu’à ce que la situation s’améliore dans l’État du Maranhão.




























2.4.09

La route fantôme


Nous sommes encore, et ce jusqu’au mois de mai, en pleine saison des pluies, ici dans le Maranhão.
La route qui relie le village de Santa Vitória à la ville de Barra do Corda est déjà difficilement praticable en période sèche.

La pluie crée assez vite d’énormes crevasses.
Il est impossible de faire le trajet sans s’embourber au moins trois ou quatre fois par voyage.

Les voitures-relais qui relient les deux pôles, font le trajet Santa Vitória – Barra do Corda, de nuit. Nous quittons Santa Vitória vers 1 heure du matin. Nous passons la nuit à pousser la voiture, trouver des astuces pour se tirer d’affaire, courir après les pierres ou les tronçons de bois, changer les pneus crevés..Tout cela en pleine forêt.
Nous arrivons en ville vers 7h, quand tout va bien.
(Pour mémoire, 50 kilomètres de piste dans la forêt + 20 kilomètres de route goudronnée séparent les deux axes)
Fréquemment les passagers finissent leurs parcours à pied !


Certes, certains diront : «c’est l’aventure».
Cependant, pour les 1500 habitants de Santa Vitória, cette ‘aventure’ a un prix.
Combien de fatigue, de temps de perdu ?
Combien de gens ont fait cette route en plus de 24 heures ?
Combien de passagers recouverts de boue, parfois jusqu’aux cuisses (oui, jusqu’aux cuisses), devant marcher, chercher un abri, la nuit sans électricité, sans nourriture ni eau, mais avec des enfants sur le dos ?
Combien de gens blessés ou très malades, sont morts et meurent encore sur cette route, faute d’arriver à temps à l’hôpital ?
Imaginez les femmes enceintes qui doivent se rendre en ville pour leur échographie ? Nombreuses sont celles qui ont accouché en pleine route, sans assitance aucune.
Les retraités qui doivent aller retirer l’argent de leur pension ?

Cette piste est un enfer qui vous use et qui vous mange.
Cette piste est un monde entier qui sépare Santa Vitória de la vie.

Les personnes les plus âgées se souviennent aisément des promesses électorales d’il y a plus de 60 ans en arrière et qui reviennent tous les deux ans, à chaque campagne électorale..La fameuse route fantôme.

Il y a quatre ans, Dona Carmosita, qui a vécu pendant 20 ans à Santa Vitória, écoutait une radio locale.
Le Maire de Barrra do Corda y donnait une interview et racontait fièrement que la route qui reliait tous ces villages perdus dans la forêt (dont Santa Vitória) était faite et bien faite.
Aujourd’hui pourront se succéder Maires et Maires..l’argent pour faire cette route n’arrivera plus. Forcément, elle est déjà faite...


Sans eau

Francisquin est connu de tous à Santa Vitória. Il est indispensable et précieux. Il est toujours au centre de vives discussions ; un jour on le blâme, le lendemain on l’adore.

Francisquin est ‘l’élu’, chargé d’approvisionner l’eau dans les foyers du grand village.
Cela fait maintenant presque 20 ans qu’il travaille les deux pieds dans l’eau!

Ce n’est qu’en 1990 qu’un puits a enfin été creusé à Santa Vitória afin d’alimenter les maisons.

En fait, jusqu’en 1984, les habitants venaient recueillir, un saut à la main, l’eau du fleuve. Une fois à la maison, ils vidaient l’eau dans de petites jarres et filtraient l’eau à l’aide d’un linge.

Puis en 1984, padre Ambrogio, un missionnaire capucin indépendant (celui à qui notre école est dédiée), personnage au caractère bien..trempé, décide de fabriquer et d’organiser un premier réseau hydrolique à Santa Vitória!
Il construit deux puits dans le village et installe une pompe à l’ancienne, dans le fleuve. Une vieille pompe de l’époque qui marchait avec le courant.
Avantages :
- les villageois se servaient directement aux puits.
- Cela permettait à padre Ambrogio d’irriguer ses cultures dans un terrain qu’il avait acheté près du fleuve !

Francisquin se souvient bien de son premier jour de travail, le 21 février 1990.
Les travaux venaient de se terminer, un nouveau puits avait été creusé et toutes les maisons de Santa Vitória y étaient désormais reliées. Une pompe efficace avait été placée près du puits, permettant la répartition dans les tuyaux.
Francisquin avait participé aux travaux et on lui a proposé de continuer à travailler. Et il s’est mouillé !

La pompe n’étant pas sufisamment puissante, Santa Vitória est coupée en deux : un jour l’eau est distribuée dans la partie Ouest du village, et le jour suivant uniquement dans la partie Est. Aujourd’hui Santa Vitória compte 400 foyers.

Francisquin a toujours été exploité par la mairie de Barra do Corda. Je me souviens qu’il n’y a encore pas si longtemps il demandait 2 reais par maison à Santa pour gagner sa vie. Il n’a vraiment commencé à gagner de l’argent, le salaire minimum brésilien, qu’à partir de 2004!
Il a pourtant de grandes responsabilités ; il s’occupe non seulement de la distribution de l’eau dans les maisons, mais aussi de la manutention générale, à l’achat du matériel. Il ne peut pas voyager. Personne au village ne connait mieux que lui le fonctionnement de cette oeuvre !

Justement.
La pompe de Santa Vitória ne fonctionne plus.
Depuis quelques jours déjà, elle montrait quelques signes de faiblesse. Francisquin était à Barra do Corda pour essayer de trouver quelqu’un à la Mairie qui veuille bien l’écouter. Nous étions alors dans une période très festive au Brésil et aucun responsable ne semblait prêter attention à ses requêtes.
Francisquin me raconte que le problème ne venait pas de la pompe elle-même, mais de la clef de la pompe (j’éviterai les discours techniques) :
« Un homme sans scrupules et se croyant plus intelligent que les autres, a voulu réparer la pompe en mon absence. Il a inventé une histoire et a réussi à se faire donner la clé de la maisonette qui protège la pompe », raconte Francisquin.
Il continue : « Lorsque cet homme a allumé la pompe, il l’a fait en alimentant le village tout entier au lieu de sa moitié. La pompe n’a pas supporté très longtemps, et tout a pris feu ».

Aujourd’hui, Santa Vitória est sans eau de puits. Les habitants ont repris l’habitude de se baigner au fleuve et d’aller chercher l’eau de ce même fleuve pour la boire.
Comme à l’époque ? A un détail près..De nos jours, le fleuve est bien plus pollué qu’à l’époque.

Une nouvelle pompe, dont le prix est d’environ 5000 reais (soit 2000 euros), devrait bientôt arriver..Lorsque la fête en ville sera finie.